Chère Madame
- Qu'avez-vous à dire, Chère Madame ?
- Plein de choses. Tant, que cela s'entrechoque dans ma tête comme un embouteillage Place de la Concorde. Une pagaille monstre. J'en suis si étourdie, que je ne retrouve plus le mot du commencement.
- C'est que vous n'avez rien à dire, chère Madame.
- Ah, bon, vous croyez cela, vous qui n'habitez pas dans ma tête ? J'ai trop de choses à exprimer, au contraire. Elles sont toutes, là, tassées derrière la porte de sortie de mon esprit. Vous n'entendez pas cette cacophonie, emplie de violence, de colère ? Non, n'est-ce pas ? Moi, je vois votre regard condescendant qui les agace tous ces mots qui cognent aux parois du sas, dans lequel la censure les a enfermés.
- Vous voyez, vos propos sont dissolus.
- C'est que vous n'êtes pas assez intelligent pour les décrypter. Il faut une certaine empathie pour deviner, pour comprendre l'âme des autres. Vous ne savez pas observer, Cher Monsieur.
- Vraiment ? Vous êtes si arrogante, Chère Madame !
Large sourire lèvres serrées, de la Chère Madame, qui a plissé ses paupières, les fermant presque. Elle s'est rejetée en arrière contre le dossier de sa chaise qui s'incline un peu. L'ordinateur lui donne la réponse demandée. Elle relit lentement et croise ses mains devant le clavier.
- Cher Monsieur, tout vient de s'ordonner dans ma tête, voyez-vous. Par contre, je crains fort que votre esprit ne s'obscurcisse dans quelques secondes. Ô, je vous recommande de demeurer courtois, car vous êtes quelqu'un de supérieur, n'est-ce pas ?
Cher Monsieur la toise. Elle le regarde droit dans les yeux, ses narines frémissent, sa respiration s'approfondit, se ralentit.
- Vous ne vous doutez pas de ce que je vais vous annoncez. Je suis sûre que vous vous y attendez. J'aperçois vos pensées qui s'agitent derrière votre crâne d'adulte immature. Non ! Non ! Ne protestez pas ! Vous l'avez toujours su. La réalité vous insupporte. Elle est un obstacle à votre volonté brouillonne. Vous ne devinez pas? Je vous aide, Cher Monsieur ? A votre avis, qu'a répondu la Banque de France ?
Cher Monsieur se voûte, baisse les paupières, et fait semblant de chasser une poussière sur le bord du bureau de Chère Madame, qui, elle a les idées tout à fait claires et équilibrées.
- Vous vous vengez, Madame.
- De quoi ? Du fait que vous ne dites jamais : "bonjour" quand vous arrivez le matin à l'arrêt du bus ? Mais j'ai l'habitude, Monsieur. Vous n'êtes pas le seul et il y a longtemps que ce genre d'hatitude m'indiffère.